Depuis bientôt 60 ans, l’agriculture intensive industrielle poursuit sa course effrénée pour subvenir aux besoins alimentaires d’une population mondiale qui ne cesse d’augmenter. Pour ce faire, les sols sont exploités, voire sacrifiés au profit de la rentabilité, en dénaturant le goût et la capacité des aliments à nous nourrir. Les aliments sont « améliorés » pour répondre à des critères esthétiques stricts, prolonger leur durée de stockage et réduire les prix, tout cela à coup de traitements chimiques.
Il ne faut pas creuser bien loin pour savoir que la santé et la vitalité des aliments que nous consommons dépendent de la santé et de la vitalité de la terre dans laquelle ils sont cultivés. Une terre qui n’est pas nourrie ne sait pas produire des légumes sains et nourrissants. L’industrie agroalimentaire l’a très bien compris et pour palier à ce problème de manière rentable, elle ne lésine pas sur les fertilisants de synthèse et les pesticides en tout genre, de quoi maintenir en vie des plantes qui n’ont en réalité aucune vitalité.
Microbiote du sol et microbiote intestinal
C’est dans la première couche superficielle de 15 cm de terre que poussent 95% de nos aliments. Cette couche vivante du sol, appelée humus, est constituée de matière organique à base de Carbone. Toute une série d’alliés y habitent, des vers de terre aux insectes, en passant par les micro-organismes invisibles, lui apportant ainsi cette fameuse vitalité.
Ces micro-organismes, composés de bonnes bactéries, de champignons et de levures constituent le microbiote de la terre. Ils servent de colle pour tenir la matière organique et le sol minéral ensemble, conférant ainsi à la terre la capacité d’absorber et de retenir l’eau de pluie. Sans cette colle, le processus de désertification se met en route.
A l’instar de ce qui se passe dans nos intestins, où notre microbiote transforme les aliments ingérés en nutriments absorbables, enzymes, vitamines, neurotransmetteurs et précurseurs des hormones, la terre a, elle aussi, son propre microbiote, très semblable au nôtre.
Tout comme nous, le sol est donc un être vivant.
Vous l’aurez compris, les techniques d’agriculture actuelles ne favorisent pas du tout ce sol vivant, bien au contraire.
Le retournement mécanique des terres chamboule l’habitat des micro-organismes. Laissées à nu, ces terres sont alors « stérilisées » par les UV du soleil. Les monocultures intensives puisent beaucoup de ressources dans la terre, qui n’est pas correctement nourrie et reçoit en plus pesticides et produits phytosanitaires.
La vie invisible du sol s’est appauvrie, produisant ainsi des aliments dont la valeur nutritionnelle diminue d’année en année. Intimement liée, notre flore intestinale s’est elle aussi dégradée.
La bonne nouvelle vient de nos poubelles
Alors que le tri des déchets devient fort heureusement de plus en plus répandu, le compostage reste, quant à lui, parfois plus confidentiel. Or, nos déchets alimentaires sont en réalité une incroyable ressource.
Si vous avez un jardin qui le permet, avoir un compost est non seulement une excellente solution pour y « jeter » tous vos déchets de jardin (feuilles, branches, tonte, …) mais aussi vos restes alimentaires en alternant ces deux catégories. Idéalement, ce compost doit être retourné tous les trois mois environ.
Cependant, on ne peut pas mettre tous ses déchets alimentaires dans un compost de jardin (ex : aliments cuits, protéines animales, … ) au risque d’attirer des rongeurs, qui n’hésiteront d’ailleurs pas à venir se servir directement chez vous si votre compost est situé trop près de votre habitation.
Pour des personnes qui n’ont pas la possibilité d’avoir un compost de jardin, d’autre systèmes de compostage existent, comme les vermicompostières. Cette sorte de tour faite de disques perforés abrite des vers qui se nourrissent de nos déchets. Mais attention, ces petits habitants ne mangent pas n’importe quoi. Les restes d’aliments cuits, les protéines d’origine animale, les aliments trop riches en glucides (pain, banane, fruits très sucrés, pelures de pomme de terre) ne leur conviennent pas. Il faut donc trouver un autre moyen de les composter.
Le Bokashi, vous connaissez ?
Cette technique de compostage qui vient d’Asie du sud-ouest permet de recycler nos déchets alimentaires grâce à un procédé de fermentation lactique. Bokashi signifie effectivement en Japonais « matière organique bien fermentée ».
Grâce à cette lactofermentation, il n’y a pas de mauvaises odeurs, pas de mouche, pas de pourriture et on peut y mettre presque tous ses déchets alimentaires. Ce seau se conserve sans problème à l’intérieur et le procédé est très simple.
Grâce au « démarreur », une matière constituée de son de céréales imprégné de micro-organismes efficaces (ou EM® de l’anglais, Effective Microorganisms), les restes de cuisine sont transformés en une sorte de choucroute.
Ces micro-organismes jouent plusieurs rôles essentiels tout au long du processus :
Grâce à la lactofermentation ils font baisser le pH et empêchent ainsi la putréfaction des aliments
Ils prédigèrent les aliments et rendent les nutriments biodisponibles, facilement absorbables par les plantes
Les levures décomposent la matière organique en enzymes et phythormones. Et les bactéries phototrophiques décomposent à leur tour les molécules responsables des éventuelles mauvaises odeurs.
Tous les restes d’aliments, crus et cuits, peuvent être « jetés » dans le bokashi compost, hormis les coquillages, les os, des liquides et des grosses quantités de sel ou de graisses. Une dose de Démarreur devra être ajoutée à chaque fois que des aliments y sont jetés, et une dose supplémentaire sera nécessaire pour les restes de viande, de fromage et de poisson.
Un procédé simple avec du Démarreur et deux seaux vous permettra de composter facilement vos déchets dans votre cuisine. Chaque seau est composé d’un bec verseur qui servira à récupérer le jus de bokashi. Ce jus est un engrais riche et extrêmement concentré qui doit être dilué - 10 ml par litre d’eau- avant d’être donné à vos plantes.
Après un minimum de deux semaines de fermentation, vos déchets alimentaires auront été prédigérés et leurs sucres se seront transformés en micronutriments bénéfiques pour la vie du sol. Ce pré-compost est donc prêt à être transformé en sol vivant. Il suffira de l’enfouir entre deux couches de terre.
Si vous avez un jardin, vous pouvez creuser une tranchée, enterrer votre pré-compost et le recouvrir ensuite de la terre excavée. Ces précieux nutriments se transformeront en humus au bout d’environ un mois grâce au travail des vers et de toute la micro-vie du sol. Ils nourriront vos plantations pour donner une production plus riche, de meilleure qualité et plus résistante aux maladies.
Si vous avez une terrasse ou un balcon, vous pouvez réaliser une « Fabrique à terre » grâce à un grand pot perforé au fond, du terreau (ou la terre usée de vos jardinières) et votre pré-compost bokashi enfoui en sandwich entre deux couches de terre. Vous pourrez y faire pousser vos plantes deux semaines après avoir fait ce mélange.
Et si vous n’avez ni le temps, ni la place, ni l’envie, donnez-le ! Cela pourra certainement être utile à vos voisins, votre entourage, ou peut-être y a-t-il des potagers partagés dans votre quartier ou un tas de compost.
De cette manière, chaque reste alimentaire que vous rendez à la terre contribue à la nourrir à nouveau pour qu’elle puisse produire des aliments vivants et riches en nutriments.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le Bokashi compost, les procédés pour le réaliser et le matériel à vous procurer, vous pouvez consulter le site BokashiCompost.be, créé par Stefania Cao.